Les hêtres humains

Les hêtres humains

24 octobre 2018 Non Par Laurence_Baribeau

Au Mont Saint-Hilaire, parmi les arbres: il y a les hêtres. C’est sur leur peau lisse que les amoureux, au canif, griffent leur serment. C’est sur leur écorce grise, dos d’éléphant, que les randonneurs obligent de signer leurs enfants. Comme les tourtereaux sont bavards de leur amour! Comme les voyageurs insistent pour marquer leur présence!

Ce qui me fait sourire, tandis que je flâne dans les boucles de sentiers, en observant à la fois les hêtres et les êtres, c’est que je serais prête à parier que tous ces gens qui choisissent la même essence d’arbre pour attester de leur présence comme chien qui pisse n’en connaissent probablement ni le nom — ils ne savent pas qu’ils sont à un h près de balafrer quelque chose comme leur propre venaison — ni ne se rendent compte de l’imitation du geste. Ils choisissent tous l’hêtre commun, qu’on appelle aussi « hêtre à grandes feuilles » ou Fagus sylvatica, n’y voyant sans doute que canevas utile pour faire ce qu’ils pensent être oeuvre originale!

Nous sommes tous pareils, les humains:

de grandes gueules de bois!

Nous brûlons tous du même feu:

La pensée débordante doit devenir écriture.

Chaque fois que je m’enflamme et noircis les pages de mon carnet,

je fais de même.

J’adoube un hêtre.

J’écorche un être.

LSB, Mont Saint-Hilaire, septembre 2011