Le grand sablier du Mali s’est brisé!

2 juin 2019 Non Par Laurence_Baribeau

J’ai marché d’un bon pas, d’un pas blanc

Dans les rues de sable rouge de Bamako

Ne tògò Sira Sissoko, djélimuso

Je m’appelle Sira Sissoko, femme griotte.


Fòlò fòlò, sur le sein ouest de Mama Africa

Se trouve un énorme sablier : le Maliba.


On croirait rêver que le temps à venir s’est trouvé un territoire ici, au Nord,

Parmi les ergs et les regs du Sahara

Que son impulsion a trouvé refuge dans la sueur des caravaniers qui

En embrassant l’aridité, le néant,

Ont préservé l’énergie de foncer

Vers l’oasis

Afin de créer du destin dans la vie.


Et chaque hiver, comme un présage, quand souffle le vent du Nord

L’Harmattan

À Koutiala, Ségou, Niono, on s’inquiète

Les dunes avancent

S’élèvent des sifs et des dômes blancs.


Cap au Sud,

Où le courant torrentueux des choses

Irrigue les plaines que l’on aime cultiver.

Sur les flots animés du grand fleuve Djoliba

Les pirogues glissent

Près des rives le baobab s’enracine

Un vieux raconte

Les jeunes s’arrêtent pour écouter.


Mais, incroyable accident de terre !

Au cœur du sablier,

Où il devrait y avoir passage à vide :

Le Djoliba fait une boucle géante

S’y jette la rivière Bani en rive droite

Les lacs pleuvent

Un pays d’eau solaire, un épicentre,

En jette plein les yeux !


Grand Maliba,

Ce sont des Assis qui ont tracé tes frontières,

Fixant en Afrique cette étrange métaphore du temps

Les nomades Touaregs sont rebelles

Revendiquent leur propre moment.


Fòlò fòlò, l’armée malienne est massacrée à Aguelhoc

22 mars, rougeur à Bamako

Non de sang, mais de gêne

Coup d’état émotif du capitaine Sanogo

Dans le chaos, Gao et Kidal tombent

Et, poisson d’avril, Tombouctou est assiégée

Fantaabamali !

Ton destin a glissé entre les mains des aventuriers.


Qu’est-ce que ce nouvel Harmattan ?

Comme avant la poussière s’élève, le ciel est fauve

Mais le vent est lasso

Projette partout les gouttelettes de sang.


Y’a la guerre

Et un discours pour la burqa de chaire

Cette réalité est éclairée par un soleil violent.


Implosif Mali, jadis renaissant des cendres de tes conflits

Le corps intact, tel un phénix

Avec tes couilles, mais sans clito.


Les nouveaux capitaines, ceux qui survivront au feu

Sauront-ils comprendre ?

La vraie transformation que devrait subir ton corps ?


Dame Maliba, ne déchire pas les tissus de ta poitrine !

Je comprends l’hystérie de ton attente

Ton grand pagne coloré est si bien taillé

Qu’il laisse entrapercevoir avec précisions tes seins:

Ils sont lourds et inégaux

Sur la rose des vents,

Pointent des directions opposées

Mais

Ils sont source des eaux du Djoliba.


Car Maliba, tu es famille: somògòw

Quand Tombouctou chancelle, Djenné tressaille

Deux mosquées sœurs de terre crue

D’où s’exalte la même prière :

Que s’élève l’âme de Soundiata !


Du mont Hombori à la Main de Fatima

En passant par les eaux conjugales de Mopti

Hommes bleus

Kòrò, dògò,

Peuls, Bambaras, Toucouleurs !

Cousins à plaisanterie.

Que votre légendaire palabre

Voyante

Savante

Peinturlurée

Crée une nouvelle épiphanie !


Où que je sois, je suis un morceau du paysage de mon amour

Un bout d’automne couleuré de rouge, comme le sens d’Afrique, the sands of Africa

Grand Maliba, ta parole démocratique foisonne sur maliweb

De mon printemps érable où moissi je lutte à réel

J’ai entendu l’appel des plus griots de tes journalistes

« L’heure est grave, l’heure est gravissime, l’heure est saignement grave ! »


S’il te plaît, grand Maliba

Rattrape tes petits grains de poussière

Ressaisis les armes du vent

Retourne le sablier

Qu’on puisse dire

 « Elle est retrouvée !

— Quoi ? — L’Éternité »

Cette paix métissée de sang.


LSB, Saint-Vallier, Montréal, avril 2012

Les emprunts dans le texte, mis entre guillemets, viennent d’ici… À lire!

L’éternité, Arthur Rimbaud, Vers nouveaux, 1872.

poème


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