La puissance d’une fleur

12 avril 2020 Non Par Laurence_Baribeau

Il était une fois une vie extraordinaire…

Et voilà qu’une fragile petite fleur, en poussant, comme la vie la condamnait, transperça la membrane rigide d’une feuille de son espèce, s’épanouit et mourut.


L’histoire ordinaire d’une fleur de courgette

Comme la fleur de courgette est fascinante à observer pour qui la cultive! Toutefois, son histoire, toujours bien éphémère, a pour lais une certaine tristesse. Pas une tristesse mal, non, une tristesse douce et sensible.

En effet, le bouton de Cucurbita pepo éclôt tôt le matin et se nourrit pour première manne de la rosée matutinale, et c’est alors qu’il faut voir sa corolle, splendide, avec sa chaire orange de Jaffa!

Pour les gourmets, c’est le matin qu’on la cueille afin de se concocter un snack de salade plein de peps, ou un beignet. Personnellement, je trouve que la fleur de courgette bouffée crue a un goût de miel vert!

Enfin, si la jardinière n’est pas affamée, on laisse la fleur aller, et ça se pavane comme une pivoine pour finalement griller à midi… Blessure solaire dont on ne se remettra pas. Et alors, le sort en est jeté. Si on est femelle et que notre petit pistil a été butiné, on formera une courgette. Si nous ne fûmes pénétrée de pattes, ou si on est mâle avec de longues et minces étamines, le déclin commence. L’après-midi, la fleur flétrit, ratatine, et comme gênée, se referme. Le soir, elle est rance.


La blessure jetée au feu, jetée

dans la terre – la fleur,

l’histoire d’une fleur,

l’histoire d’une fleur qui dort

l’histoire d’une fleur dans le miroir,

l’histoire d’une fleur morte

et enterrée.

Michaël Trahan, la Raison des fleurs

Réflexions

On aime penser les fleurs comme de petites choses fragiles, et, ça l’est: à tout bout d’champ, quand on les arrache de la terre, elles meurent et on est déçus. On imagine rarement la fleur comme une pointe meurtrière, bien qu’on la mette parfois au bout du fusil afin qu’elle perce le gros bon sens humain qui épargnerait beaucoup de gros bon sang.

Les lois de la nature sont impitoyables, néanmoins, une fois sur mille, ou peut-être une fois sur dix milles, on a une belle surprise: cette petite chose fragile qu’est la vie passe «au travers». Et cette force, cette puissance, est formidable!

Pour mourir quand même, s’entend.


LSB, Gatineau, août 2018