La vigie de l’éclatement

29 octobre 2018 Non Par Laurence_Baribeau

Aujourd’hui, j’ai marché sur le verglas de mon pays,

d’un bon pas, d’un pas franc.

J’ai fait un clin d’oeil à ma folie.

J’ai regardé mon miroir d’un oeil propre et probe.


J’ai une pile, mais vraiment, un montón de carnets.

 « Je sais que j’ai dit exactement ce que j’avais à dire

chaque fois que j’ai pris mon crayon pour le dire. »


Monart poétique effeuillé

Descryptout poétique fardé

Description de monart poétique

= prose plein d’affects 

pis twé  

« Montre-moi ta mamelle de fertilité! »


Si j’étais une petite Simone de Beauvoir, j’écrirais:

« Messieurs, mon crayon, c’est mon pénis parmi vous »


Écrire en pays dominé

« C’que t’écris, c’est rien,

que du p’tit change! »

La violence est un mystère de fou…


— Cachez ce sein 38-D que je ne saurais voir!

— Mais, J’AI BESOIN D’APPRENDRE À PARLER!

« Montre-moi ta mamelle de fertilité »


J’ai deux oreilles: une grande, une plus petite.

Pis twé?

« Tu as entendu ce que j’avais à dire

chaque fois que

 j’ai pris mon crayon pour te le dire. »


Je suis la vigie de l’éclatement.


La langue est une source intarissable.

Je me suis fait kaléidoscope.

J’ai tranché mon étoile en mille.

J’ai pris des petits flash –tout p’tits–

Ce sont mes poèmes.


Je suis Alice au pays du langage.


Un massage érotique de sons résonne dans ma gorge.

J’en tremble de ma main.

Pour Dire, ça recommence.

« Fauvettes, coeurs saignants, épis d’blé d’inde, grillons

                             j’avais oublié le bonheur

Fauvettes, éléphants, épis d’blé d’inde, stylos

                            j’avais oublié le bonheur d’Écrire »


Je sonde l’art poétique.

Je titille cette gigantesque trompe d’éléphant utile.

« Voilà du brut et c’est un diamant,

voilà du brut: une merde de plusse dans l’océan»

Diarrhée mentale.

Quand j’ai la chance ou quand ça me tente,

je prends un peu de tout ça et je pitch!


Laisse-poire


Je ne suis pas libre:
J’ai une laisse-poire.
Elle serre le bout de mon mou.
Du cou, elle me guide partout et vers tout.

Elle me donne des crampes de moelle de coeur. 

Elle me fait faire des ratures sur des mots innocents qui n’ont pas de fautes à eux. 

Elle crée le dispositif créatif de l’instant. 

Elle me fait aller à Trinidad et Tobago et me fait revenir. 

Elle n’a pas peur de la bière. 

Elle crée les étapes d’une grande opération de « raboutement ».

 Elle aime quand je fais de la chimie avec les morphèmes. 

Elle n’a pas peur de plonger d’apnées en épiphanies. 

Elle me fait écrire monoeuvre

Elle me choisit un chum et me le fait digérer « Chroniques de ce que coûte l’entretien d’un porte-pénis ». 

Elle me fait sonder la géopoétique. 

Mais surtout:

« J’ai dit exactement ce que j’avais à dire chaque fois que j’ai pris mon crayon pour le dire. »


Ma laisse-poire fait vraiment tout ce qu’elle veut avec moi. Et c’est à son vent que, malgré moi, je suis dans l’air d’être libre.


La vigie de l’éclatement

Aujourd’hui, j’ai marché sur le verglas de mon pays,

d’un bon pas, d’un pas franc.

J’ai fait un clin d’oeil à ma folie.

J’ai regardé mon miroir d’un oeil propre et probe.


J’ai une pile, mais vraiment, une pile de carnets.


J’adore Écrire.

Des trucs qui comptent.

Ou juste n’importe quoi.

Écrire, dès lors que ça implique ma voix, mon corps,

l’archipel des Heureuses,

je souhaite à mes vers:

qu’ils soient verbeux!

On n’a pas la langue pognée dans l’verglas.


LSB, rue Saint-Vallier, Montréal, printemps 2008