envoler les autres

9 janvier 2025 0 Par Laurence_Baribeau

à twoiseau


La mort du héron, image générée par LSB avec l'aide de DALL-E 2, Open Ai.

voie-moi

ciel que je suis

le rafiot qui lofe

le nez dans le lit du vent

sur la peau de l’aube

renouvelée


je suis le moment rose

trop anisé

imaginé par le ventre

invaginé par l’absinthe

le moment à bras-le-corps

le drap solaire

les diaprures dorées

la théière éclatée au feu

rafistolée

pour la suite du monde


je suis le Chant après la lutte


je suis tout ce qui décoiffe

celle dont l’haleine 

fait frissonner

tes plumes naissantes


je suis le plus gentil des coups de pied au cul

puisque je t’agite par le souffle

et quand il fait soleil de chien

je t’aurore


je t’offre

le vent d’Oreste

le vent d’Ulsud

celui d’Éléanord

et de May West


je t’envoie par tous les vents

le foc, le jusant, l’espar, la drisse

les pièces d’une caravelle

pour que tu puisses te rabouter

du cran

le cran qu’il faut pour traverser


je ne suis pas l’attrapeuse

dans le champ de seigle

je suis à la fois la poussée

et l’élan

celui qui te prend

au bord de la falaise

la promesse d’une bise légère

une force pas dicible

la prière qui brûle

à la fraîche


je suis le bateau d’eau qui torrente

les effluves de la tour d’air abasourdissante

la pierre angulaire du tison

le halo du météore stratosphérique

qui love la terre


et quand tu doutes

quand tu es par terre

je suce tous tes clous

j’enlève toutes tes pierres

surtout les dures

comme les menhirs, les cromlechs

jusqu’à ce petit caillou

qui mousse 

au bas de la rivière

celui-là grazévisqueux

vert 

malade

des tournis de la Terre


tu vois

partout je t’envoie en l’air

je t’envoie voilier vers la mer


pollen de potentille

nerf de héron

air de navette

bisque de mélilot

simoun

plume marinière lactée


comme c’est indécrottable

la légèreté de l’être !

et puis c’est ton gentil droit

ton pois de senteur à toi


oui oui

je suis là pour toi

oui oui

toujours

tout le temps

tu sais ça

tu as la main froide, j’ai la main chaude

tu trembles, je suis solide

tu râles, je prends de grands respirs

tu as peur, l’espoir me sort des yeux

mais c’est toi qui doit sauter dans la paix

tu vois ça?

traverser l’épaisse brume

soulever le pan du rideau

c’est à toi d’y aller

twoiseau


ma belle maman grand héron bleu

qui m’a nourrie aux lacs, aux vents nords, aux pointe-à-rossi

ma belle maman canard

que la maladie a tout déplumé

laisse ta bécassine

déposer ton corps dans le canot


maman

je te borderai dans le vent

je te borderai dans l’eau

je te borderai dans la douceur du saut

avec autant d’amour

et de sécurité

que tu as su prodiguer


oui

c’est ça c’est ça

promesse de moi

tu y vas?


twoiseau, écoute!

écoute coûte que coûte

comme on entend rien

rien que tes ailes

qui bourrasque


*


maman

puisque tu m’as si bien élevée

je voulais t’élever moi aussi


allez, va

vois-moi bien, là

je pousse le canot


LSB, Gatineau, février-mars 2024