David contre Goliath (extraits)
Avant-propos
À l’été 2017, Maude et Rémi, les parents de David, nous ont lancé un défi: revenir ensemble, dans le cadre de l’écriture d’un livre polyphonique, sur l’expérience vécue par David et par toute la famille suite à son diagnostic de tumeur au cerveau, au printemps 2010, à l’âge de 27 ans.
En octobre 2017, soit quelques mois plus tard, le livre était écrit et grâce à l’accomplissement de cette tâche titanesque – une rencontre avec Goliath n’est jamais une mince affaire – David, mon chum, allait enfin pouvoir tourner la page…
Ça n’a pas été facile, pendant ces mois d’écriture – juillet, août, septembre, octobre 2017–, de revisiter les moments forts de cette lutte contre le cancer qui s’est échelonnée sur plusieurs années. On s’est senti piégé, parfois, dans notre humeur quotidienne, par les mots douloureux qu’on a lus dans les vieux journaux intimes de l’époque, plein d’artéfacts du trauma.
Ça n’a pas été facile, mais, en parler, ouvertement, sans filtre, ça nous a soudé. J’ai vraiment appris à connaître mon chum durant cette période.
Afin de rendre compte de cette expérience, votre scribe préférée – Laurence! – s’est appliquée à essayer de traduire l’essentiel de ces discussions par écrit.
Merci, Tendre moitié, de m’avoir permis d’emprunter ta voix. XoX.
***
Je voudrais vous parler un peu de la structure du livre. Enfin, vous parler du projet, tel qu’on l’avait conçu à l’origine.
En effet, en avril 2010, dans les jours qui ont suivi la perte de conscience de David et son réveil à l’hôpital de Gatineau, où des scans ont révélé une tumeur maligne, Rémi Laprise, le père de David, a tout de suite débuté l’écriture d’un blog afin de tenir les membres de la famille informés: les grands-parents au Saguenay, les oncles et les tantes à Québec, les cousins-cousines à Montréal ainsi que tous les amis et amies qui comptent. Ce blog, qui sera alimenté pendant 3 années, est, d’une part, le témoignage exceptionnel du branle-bas de combat quotidien d’une famille ordinaire qui se retrouve à devoir faire face à une bête extraordinaire: le cancer; et, d’autre part, il est le témoin de la montée, du crescendo, d’un fort sentiment anxiogène causé par la maladie chez le principal intéressé…
Ce blog, brut, avec les péripéties au jour le jour, c’est le squelette du livre. En regroupant les publications du blog, en choisissant les moments importants, Maude et Rémi ont créé des chapitres que chacun, ensuite, a commenté. Certains ont choisi la distance, le temps des bilans, pour revenir sur les événements; d’autres ont choisit carrément de se replonger dans le tumulte d’émotions de l’époque… Le résultat final, c’est une histoire très honnête, organique, qui pourrait inspirer d’autres personnes qui se retrouveraient dans la même situation… Mais surtout, ce livre est très humain… Il pourrait passionner n’importe qui. Il a la force de bien mettre en valeur la perspective d’une Mère, d’un Père, d’une Soeur et finalement, de David: le Lutteur!
Bing! Bang! Pouf!
Malheureusement, il vous faudra être patients avant d’avoir la chance de vous mesurer à notre Goliath en combat singulier – à travers nous, 4 mains d’écriture, 8 bras de lutte! – puisque l’oeuvre complète du livre est encore dans les cartons… Elle attend son heure! Mais, je vous jure qu’un jour vous verrez qu’en équipe, battre Goliath, ça se fait! Vous montrer ça, c’est le but du livre qui est à naître…
En attendant, j’ai reçu la permission de David de vous livrer ses «commentaires», sa portion du livre.
P.S. Ça se peut fort bien, vues les circonstances, que vous ayez l’impression qu’il manque un peu de contexte aux commentaires, puisqu’ils sont une réponse aux publications originales du blog , à d’autres parties du livre. Mais, l’essentiel y est et saura vous informer et vous émouvoir, j’en suis convaincue.
P.P.S. Si vous trouvez qu’il y a parfois un peu trop de style, sachez que c’est la faute de votre scribe, dont le jupon dépasse. Mea culpa…
Table des matières
- Chapitre 1 – Aux urgences et en chirurgie : grosse semaine !
- Chapitre 2 – Le « C » difficile
- Chapitre 3 — David célèbre ses 28 ans
- Chapitre 4 — Matins magiques
- Chapitre 5 – Le premier diagnostic
- Chapitre 6 — Dites-moi Docteur ?
- Chapitre 7 — Une opinion c’est bien, mais deux, c’est mieux !
- Chapitre 8 — Deuxième diagnostic
- Chapitre 9 — Le temps presse, il faut réagir, dit Gatineau.
- Chapitre 10 — Comment soigne-t-on la bête depuis Montréal ?
- Chapitre 11 — Rencontre fructueuse avec l’équipe de Montréal
- Chapitre 12 — Le cancer et les insectes…
- Chapitre 13 — Nouveau diagnostic, est-ce une blague ?
- Chapitre 14 — Nouveau Diagnostic revisité… qui croire ?
- Chapitre 15 — Nouvelle chirurgie au cerveau — David sera éveillé… vous avez bien lu !
- Chapitre 16 — Wow, déjà sur le chemin de retour vers Gatineau
- Chapitre 17 — L’Après-chirurgie
- Chapitre 18 — Préparation du masque
- Chapitre 20 — La Maison Jacques Cantin, de l’autre côté du miroir
- Chapitre 21 — Des nouvelles en direct de David — Studio de musique et zoothérapie au menu
- Chapitre 23 — Le bilan (de santé !) de David
Chapitre 1 – Aux urgences et en chirurgie : grosse semaine !
Pour moi, le 11 avril 2010, c’était un dimanche comme les autres. J’étais rentré tard la veille de Montréal, pour la fête à Cédric, mais la soirée n’avait pas été particulièrement arrosée. J’avais bu une bière dans un bar. Je me souviens surtout de la ride de char du retour, parce que, pendant la soirée, il y avait une fille que je trouvais de mon goût, et malheureusement, je n’avais pas beaucoup eu la chance de discuter avec elle. Je parlais de tout ça à mon amie Sophie, qui tentait de me consoler et de me conseiller.
En ce dimanche soir d’avril où il fait encore clair, je suis chez moi dans mon studio et ça me prend tout d’un coup : j’ai la nausée ! Une forte nausée accompagnée de haut-le-cœur. Mon estomac vibre et se soulève. Je vais à la salle de bain et je me penche au-dessus du lavabo en pensant que je vais être malade. Je ne me sens pas bien, je ferme les yeux en espérant que ça passe…
Black-out !
Le jour suivant, je me réveille, désorienté, embrouillé, perplexe. Je suis dans une chambre d’hôpital. Mes parents sont à mes côtés. Ils ont l’air soulagés et souriants. Ils m’apprennent que j’ai fait une crise d’épilepsie et qu’il semble y avoir une masse anormale dans ma tête.
Je dois dire que je ne me souviens pas trop des péripéties à mon réveil, sauf que cela était très surprenant et surréel…
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Que va-t-il se passer ?
Chapitre 2 — Le « C » difficile
Suite à mon hospitalisation et à ma première chirurgie d’urgence, où on m’a enlevé 40% de ma tumeur, mes parents m’ont rapatrié.
Je ne me souviens pas trop des premiers jours. Je dormais. Je flottais. Tout le monde paniquait autour de moi, mais, perso, je prenais ça un jour à la fois. Je me souviens que je correspondais sur Facebook avec mon amie Caroline Jolicoeur qui, elle aussi, avait déjà lutté contre une tumeur au cerveau. Je lui posais toutes sortes de questions…
Ça faisait au moins 6 ans que j’étais en appart et que je m’occupais de mes affaires. Sur le coup, j’étais heureux d’être à la maison et d’être accompagné pour traverser cette épreuve, mais j’avais quand même un certain inconfort, un sentiment d’étrangeté, puisque j’étais observé et qu’on discutait de mes réactions à voix haute et que j’entendais tout ça. Je suis un gars timide, du genre introspectif. D’habitude, je ne cherche pas à être le centre de l’attention. Je ne veux ni me démarquer ni déranger… J’avais le sentiment bizarre de ne pas me sentir comme il faudrait. Comme si mes états d’âme ne correspondaient pas aux attentes? Quand j’allais bien, les gens autour de moi me disaient que je les faisais freaker tellement j’avais l’air zen. Je me posais des questions: «devrais-je capoter ouvertement un peu plus ? Pourtant, je ne souffre pas trop physiquement…tout est très supportable…» Mais, quand je me sentais moins bien, on me disait qu’il fallait que je reste optimiste…«Sois positif, garçon!».
En tout cas, « C » pas facile…
Chapitre 3 — David célèbre ses 28 ans
Le 27 avril 2010, j’ai atteint l’âge de 28 ans. J’aurais pu faire partie du club des 27, ce club sélect composé de Jimmy Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison et Kurt Cobain, puis mourir à 27 ans, moi aussi, comme eux, le 11 avril. Mais non ! Nous sommes le 28 avril et j’ai 28 ans. J’ai survécu ! Moi qui suis né en 1982, mon année chanceuse termine ou vient de commencer ?!
Pour dire vrai, j’ai tellement dormi de retour à la maison. Il me semble que j’ai juste dormi…
Il faut dire que je souffrais de migraines assourdissantes.
J’ai perdu 30 livres. Je ne mangeais pas. De cette période, j’ai des souvenirs très flous. Pour me nourrir, maman m’amenait du Jello et des craquelins dans ma chambre.
Je me souviens que mon ami Widgg m’a rendu visite. Plus tard, en se remémorant l’événement, il m’a dit : « ouain, tu ne parlais pas bin bin, maudit que t’avais l’air magané ! ».
Chapitre 4 — Matins magiques
Suite à quelques semaines de repos, les migraines ont diminué et le quotidien a repris ses droits pendant cette période de la journée où j’ai le plus d’énergie: le matin. Il y a des brunch en famille, des visites d’amis, des marches. On regarde des comédies hilarantes. On lit des pensées positives sur internet:
«La vie ne se compte pas par les respirations, mais par les moments qui nous ont coupé le souffle!»
«La meilleure façon de ne pas être déçu est de ne pas avoir d’attentes!»
«Le bonheur, c’est quand on veut que demain soit un autre aujourd’hui!»
Pendant ces matins magiques, je reste positif, mais ce n’est pas tout le temps un «cadeau» pour moi. Je reste optimiste, mais je ne peux pas dire que j’ai cette joie immense qu’on ressent les matins de Noël.
D’ailleurs, le cancer comme «un cadeau de la vie», une idée dont mon père s’est fait le champion, ça veut dire quoi au juste ?
Est-ce ce qu’il y a dans la boîte, ce qu’on m’a donné : la grosse tumeur ? Et la douleur qui vient avec ?
Ou est-ce l’emballage ?
Comme autant de papiers multicolores et précieux, on m’enveloppe d’amour, de petites attentions, de pensée magique, de bonne philosophie.
Emballer comme ça, aux petits oignons, oui, le cancer ressemble à un cadeau…
Donc, le fameux cadeau, c’est quoi : la tumeur ou mon environnement ?
Je suis tellement reconnaissant de ce que mes parents et mes proches ont créé autour de moi. Sans eux, je me retrouverais nez à nez devant l’angoisse toute nue, comme ça arrive à d’autres, moins chanceux.
Mais, quand même, élaborons un peu sur cette prémisse de cancer en tant que « cadeau », un concept qui «emballe» mon père.
Disons qu’en général, quand on reçoit un cadeau, c’est parce que quelqu’un de bien intentionné a pensé à nous, et souvent, le cadeau convient. S’il ne convient pas, on peut l’échanger. S’il n’est pas échangeable, on peut le refiler à quelqu’un d’autre. Bref, on a toujours du pouvoir sur ses cadeaux. Cependant, je semble pris, même carrément « pogné », avec celui-ci. Voilà pourquoi, malgré cette tumeur qui est censée être The cadeau de la vie: je ne suis pas d’accord. Autant mieux me gâter à mes frais. Sérieux, dans la vie, les cadeaux: je préfère toujours quand c’est moi qui me les fais !
Alors, le facteur peut bien venir porter les paquets d’Amazon 2 ou 3 fois par semaine, ma mère lui ouvrira la porte toute grande, puisque ceux-ci conviennent!
Chapitre 5 – Le premier diagnostic
«Astrocytome anaplasique », probablement de grade 2…»
«15 ans, au max!»
Pendant la rencontre avec la Dre Martens, oncologue, je n’étais pas très présent, j’étais à moitié je ne sais où… Elle parlait, j’entendais des choses, mais je ne peux pas dire que j’absorbais leur signification, ou que ça me touchait.
C’est seulement dans le stationnement, en sortant, que j’ai accusé le coup. C’est là que ça m’est tombé dessus. J’ai dit à mes parents « Heu, est-ce qu’elle vient juste de parler de mon espérance de vie ? »
C’est alors que j’ai fait face à ma mort pour la première fois, c’est-à-dire que j’ai réalisé qu’un jour, comme tout le monde, j’allais mourir.
Avant ça, je n’avais jamais pensé à ma propre mort. Ça me semblait tellement lointain… J’allais certainement vivre vieux, comme mes grands-parents…
J’ai peur !
Chapitre 6 — Dites-moi Docteur ?
La présence de mes amis, de ma sœur, leur constance, leur implication, pendant tout ce qui m’arrivait, ça a été vraiment important pour moi. Ils m’ont fait rire. Ils m’ont changé les idées. Ils ont créé de l’activité dans mes longues journées. Je m’intéressais à leurs histoires et ça me permettait, pendant une soirée, d’oublier la mienne. Mais ce n’était pas toujours facile, ni sans jalousie.
Au moment de ma crise d’épilepsie, j’étais célibataire, et ce qui occupait principalement mes pensées, c’était de rencontrer une fille…
Dans mon groupe d’amis, c’était l’époque des mariages, des premières maisons, et il commençait à y avoir des bébés. Je voulais tout ça moi aussi. Le cheminement « normal » quoi ! Mais je me suis retrouvé ralenti à cause de ma maladie. Ce n’est pas facile, à 28 ans, d’être obligé de mettre la pédale douce, alors que l’intuition naturelle serait plutôt de peser sur le champignon !
Il y avait des filles, et même une en particulier, que je trouvais de mon goût. Je voulais continuer de passer du temps avec elle, même si je ne me sentais pas trop « top shape » pour jouer au jeu du « dating » et de l’ambiguïté amoureuse. Est-elle intéressée d’une façon romantique, ou veut-elle simplement être mon amie ? Même pour quelqu’un en forme, ce jeu peut être éreintant ! Pourquoi n’a-t-elle pas encore répondu à mon texto ? Pourquoi m’a-t-elle dit ceci ou cela ? Qu’est-ce que ça signifie par rapport à nous ? Ce n’est pas comme pour mes parents, dans les années 70. La façon moderne de « dater », avec les téléphones cellulaires et l’individualisme ambiant qui encourage le marchandage et la comparaison des avantages et des désavantages des possibles prétendants et prétendantes, et ce, à l’infini !
Pendant que j’étais malade, tout ça me semblait parfois encore plus fatigant… Je n’avais pas toujours l’énergie que j’aurais aimé avoir quand on veut séduire une fille. À ce moment-là, on aimerait péter le feu, paraître sous notre meilleur jour ! Il y a quelques mois, j’étais le DJ du vendredi soir au Petit Chicago. Là, j’habitais chez mes parents… à 28 ans ! J’avais peur de passer pour faible et d’inspirer de la pitié aux filles. Je ne voulais pas de leur pitié. Je ne savais pas si elles venaient me voir par politesse ou si elles avaient vraiment envie de passer du temps avec moi. Mes conflits de cœur me travaillaient beaucoup. J’étais plus stressé avec ça (la vie !) qu’avec mon cancer (la mort !).
Maintenant, en rétrospective, vu que cette fille est passée et que j’en ai trouvé une autre, je repense à mes tourments d’amoureux avec tendresse. Et je suis reconnaissant que mes parents se soient occupés de tellement de détails pratico-pratiques, et même de l’essentiel : trouver un excellent chirurgien spécialiste à Montréal. C’est grâce à leur travail, dans le fond, que j’ai pu accorder mes pensées, principalement, aux filles ! En fin de compte, des préoccupations « normales », de gars vivant. Bien qu’à l’époque, oh que cela me hantait !
Chapitre 7 — Une opinion c’est bien, mais deux, c’est mieux !
J’aime la musique depuis toujours. C’est ma passion dans la vie. Ma mère m’a eu très jeune, elle avait 23 ans, et quand j’étais petit, elle écoutait beaucoup de musique pop, la musique cool, dans l’air du temps. Je me souviens de ma première chanson préférée: Sunglasses at night de Corey Hart. On avait le vinyle. Quand ma mère voulait que je sorte de la cave où je jouais et que je monte au salon, elle faisait jouer le vinyle et j’accourais pour danser et chanter avec elle. Aujourd’hui, encore, quand ce tube joue, ça me rend heureux et je crie aux gens autour de moi « heille, c’est ma toune ! » Le son des synthétiseurs des années 80 m’émeut et me réconforte énormément.
J’ai commencé à collectionner la musique quand j’étais ado et depuis je suis devenu un sérieux collectionneur ! Un tantinet compulsif, comme dirait ma mère.
Avant ma crise, j’étais DJ au Petit Chicago. Je faisais les vendredis décennies, de 23 h à 2 h du matin. Le premier vendredi du mois, c’était les années 50-60. Le deuxième, les années 70. Le troisième, les années 80-90. Le dernier, les années 2000. Puis, le cycle recommençait. On peut dire que je suis devenu un spécialiste de pas mal toute l’histoire de la musique pop !
Un DJ vient travailler et faire danser les gens avec sa musique — du moins, c’était comme ça avant Google play, Spotify,et cie —. J’allais donc au « Petit Chic » avec des playlists que j’avais moi-même créées et dont j’avais acquis chaque titre. Je suis toujours à l’affût de nouveaux artistes à découvrir et à intégrer dans mes playlists. Je les adore, j’ai mis tellement de temps à les élaborer et à en choisir chaque morceau… Elles sont même actuellement dans mon testament et auront un héritier/héritière ! Yep !
Pendant qu’on est dans l’attente, je passe beaucoup de temps à découvrir des livres et des CD.
Un disque est un monde, une aventure sonore qui me permet de m’échapper un peu de tout ce qui m’arrive.
Quand on regarde l’Anthologie des Beatles, que j’adore, ils parlent beaucoup des artistes qui les ont influencés. Pendant le printemps 2010, je me suis dit que je voulais apprendre à les connaître. J’ai donc acheté et exploré plusieurs coffrets. Je me suis plongé dans Fats Domino et Carl Perkins. J’ai acheté une collection des groupes québécois des années 60. Le yéyé : ça vous remonte le moral ! Aussi, je me suis délecté de l’œuvre complète du King, Elvis, de celle des Everly Brothers, et puis de James Brown. Et j’en passe !
Je planifie retourner au Petit Chicago dès que j’irai mieux ! Penser à ça me permet de m’accrocher quand je suis écorché.
Chapitre 8 — Deuxième diagnostic
Le 3 juin 2010, je commence à tenir un journal de bord, avec les encouragements de mon père à qui l’écriture du blogue fait beaucoup de bien. Aussi : bonne fête Papa ! J’espère que tes vœux se réaliseront et merci d’être là tous les jours.
Mes entrées dans mon journal ressemblent au blog. Je parle en détail de ce qui s’est passé dans la journée, des émissions, des films que j’ai regardés, des visites que nous avons eues, des discussions riches que nous partageons au quotidien et des grandes marches que je commence à prendre quotidiennement, question de faire de l’exercice.
Surtout, je couche sur papier mes sentiments, mes réflexions, mes ruminations, c’est mon espèce de suivi de moi à moi, sans filtre, dans le processus de croissance personnelle que j’ai entamé.
« J’espère que ce blogue va m’aider à rester plus connecter à mon for intérieur. »
J’ai également écrit une réflexion assez articulée sur le passage du voleur dont Papa a traité dans son blog. Cette mésaventure m’a fait cogiter.
« Moi et Papa, on s’est entendus pour dire qu’une personne comme ça ne doit pas être heureuse. Il a dû perdre son chemin. Aucun enfant n’aspire à ce genre de vie. Sans doute manque-t-il d’Amour ? Quand il est passé, c’est moi qui lui ai ouvert la porte. Il m’a demandé un verre d’eau pendant qu’il attendait. C’était une ruse pour que je me tourne le dos pendant qu’il… faisait ses sales affaires! En réalisant cela aujourd’hui, je me suis senti naïf.»
J’ai eu peur qu’il m’ait volé quelque chose comme des CD ou des livres qui auraient été dans la boîte aux lettres. Ça m’a fait réaliser que je suis en quelque sorte très attaché à mes choses, à ma collection de CDs, à mon équipement informatique, à mes instruments de musique, à mon équipement de studio… Cet attachement crée comme une tension ou une peur que quelque chose leur arrive. Je pense que c’est pourquoi les bouddhistes prônent le moins de possessions possible… Je pourrais travailler là- dessus !
Je me suis mis à rêver un peu. Et si on ne possédait que le nécessaire ? C’est-à-dire de quoi se loger, se déplacer, se vêtir ainsi que des outils, etc. Pas de télévision. Et ce qui m’a le plus inspiré dans mon train de pensée : pas de musique enregistrée ?! Comment serait un monde sans musique enregistrée ? Des musiciens joueraient live beaucoup plus souvent. La musique en direct aurait certainement une tout autre importance. Les DJ n’existeraient pas. Je n’existerais pas ? Peut-être que le talent des musiciens se développerait davantage. Les styles de musique populaire seraient sans doute différents. Si je ne pouvais pas être DJ, peut-être serais-je un vrai musicien ? »
Hmmmm…
Chapitre 9 — Le temps presse, il faut réagir, dit Gatineau.
Extraits de mon journal de bord pendant cette période
Moment avec Maman :
« J’ai essayé d’expliquer ma foi à maman aujourd’hui. Quand on est jeune enfant — ou un bébé —, on a une confiance absolue en l’amour de nos parents. On “sait” qu’ils ne veulent que notre bien et rien d’autre. Pour moi, maintenant c’est la même relation avec “la Vie” — ou “la Nature” ou “l’Univers” ou “Dieu” —. Pour moi, la foi, c’est une confiance absolue, c’est sentir que la Vie ne travaille qu’à notre bien-être. »
C’est à partir de juin que j’ai commencé à ressentir des symptômes et des anomalies et que je me suis mis à les noter, dans le but d’essayer de les déchiffrer :
« Symptômes ? Cliquetis dans l’oreille gauche pendant environ une minute, en dînant au resto avec Mishka. C’est la 2e fois que ça se produit depuis la chirurgie. C’est accompagné d’une sensation sonore étrange. Le volume ambiant diminue OU augmente ? Soudainement, rapidement : il diminue PUIS il augmente ?
Comme si l’univers était un DJ J’éteins le son — silence — Et je remets le son ♫♫♫
(Vous connaissez la toune Louxor j’adore de Katherine ?)
La sensation de changement dans le volume s’est produite à quelques reprises, mais il n’y a pas toujours le cliqueti tik tik tik. La première fois, c’était en jasant dehors avec une amie de papa (Shamane). »
Le 16 juin, c’est notre rencontre TRÈS importante à Montréal, je suis réconforté :
« On est allé à Montréal encore aujourd’hui. D’abord, pour apporter les morceaux de tumeur écrabouillés, dans le but d’avoir une pathologie finale ; ensuite, pour rencontrer un neurochirurgien. Nous avons appris que, finalement, il reste environ 80 % de la tumeur. Le chirurgien pense être capable de l’enlever complètement, à condition que j’accepte les risques… Qu’est-ce que cela veut dire ? En tout cas, dans 4 semaines, nous serons en mesure de prendre une décision. Un autres 4 semaines “d’attente”. Je vais continuer à me reposer. Je compte préparer quelques repas, marcher, voir des amis, étudier l’art et les courants musicaux, faire de la lecture… J’ai tout un programme. Je sens que ce sera très vite passé ! »
Mais, les émotions sont des montagnes russes :
« Je ne sais toujours pas dans combien de temps je serai guéri. D’ici là, il est difficile de faire des plans ou encore de m’engager dans quoi que ce soit. Quand j’essaie de faire des plans, je me rends compte que je ne peux pas et ça me frustre ! La seule option est de m’abandonner, lâcher prise. Je ne sais pas où ça va aboutir. J’ai confiance en la vie, mais parfois : j’ai peur ! Je prends ça un jour à la fois, ou même une minute à la fois. L’avenir est lointain, c’est maintenant que ça se passe. »
Trouver des mots qui nous conviennent :
« Suite à l’annonce du nouveau diagnostic, notre réaction fut de l’ordre “on va se battre”. Je trouve l’idée de se battre un peu stressante ! J’ai décidé de changer de vocabulaire, bien que l’objectif demeure de guérir. Au lieu de commencer une bataille, j’entame un processus de guérison. Au lieu de me créer du stress, l’idée de guérison m’apporte paix et sérénité. Je me sens bien. »
Chapitre 10 — Comment soigne-t-on la bête depuis Montréal ?
Extraits de mon journal de bord pendant cette période
Le conflit qui couvait a éclôt, et c’est un vilain petit canard :
« J’étais un peu découragé ce matin. Papa essayait de m’encourager à lire le livre qu’on s’est procuré, “Le petit guide du parfait survivant”. Il a utilisé des mots comme “ce serait important que tu… à la place de tes émissions” et “tu devrais… nanana”. Ça a déclenché mes défenses et je me suis fermé. Je sais qu’il a les meilleures intentions du monde. J’ai rédigé une liste de ce que “devrait” être mon emploi du temps pour favoriser ma guérison au maximum. Pour être le plus “parfait” possible suivant ce que j’ai entendu ou l’idée qu’on se fait d’une telle expérience. Ce n’est pas du tout réaliste ! La barre est beaucoup trop haute. Je ne peux pas changer toutes mes habitudes de vie en même temps, lire constamment sur le cancer et suivre *tous* les conseils “anti- cancer”. J’ai le sentiment de ne pas être à la hauteur. La perfection, ça n’existe pas. »
Mon malaise physique persiste :
« Cliquetis dans l’oreille gauche pendant près d’une minute à l’épicerie avec Mylène vers 17 h. J’ai peut-être senti un très léger engourdissement dans ma main gauche au même moment et je me sentais un peu faible et légèrement étourdi. Je suis allé m’asseoir un peu pour me ressaisir. »
Une sagesse dans tout ça :
« John Lennon : la vie est trop courte pour se prendre au sérieux »
Le vilain petit conflit en forme de canard va clopin-clopant :
« En allant faire ma marche aujourd’hui, avant le film, j’ai pratiquement (et poliment) (encore) envoyé promener papa qui exprimait qu’il ne voulait pas écouter le film trop tard. Je veux apprendre à m’affirmer et je pense que ça ira un peu par essai-erreur… Dans ce cas-ci, j’y suis allé trop fort. Je me disais aussi que je n’ai pas à prendre seul des décisions qui concernent d’autres (comme l’heure du film par exemple). Je suis allé m’excuser à papa. Je vais apprendre à trouver un juste milieu dans la façon de m’affirmer… »
Le vilain petit canard prend son envol et ça fait du bien :
« J’ai décidé qu’il n’y a pas de manière parfaite de guérir d’un cancer. J’ai réalisé que c’était comme un saut dans le vide. On fait des choses par intuition, des choses qui nous semblent bonnes, mais la vérité c’est qu’on ne sait pas du tout ce qui est vraiment pertinent. La médecine n’a pas toujours les réponses, et je n’ai pas nécessairement confiance en un étranger qui a écrit un livre sur le sujet, même s’il a “survécu” à son cancer du cerveau, comme le gars qui a écrit le “guide du parfait survivant”. On dit que 2 % des gens atteints “survivent” assez longtemps. Je ne sais pas non plus si j’aime l’idée de “survivre” par rapport à “vivre”. Dans la vie, on prend nos propres décisions et on vit avec. On assume nos actions accomplies et nos actes manqués. Je me sens un peu seul. Tout le monde est toujours un peu seul, mais on partage et on échange avec les gens qu’on aime et qui nous aiment… Mes défenses se déclenchent quand je pense à ce livre… Je ne suis pas certain pourquoi. C’est un livre de trop dans ma liste ? On ne sait peut-être pas encore comment éliminer le cancer, mais on sait renforcer son corps, sa santé, son système immunitaire… Ça OK ! »
Le vilain petit canard découvre qu’il est un beau cygne :
« Je commence à penser, avec tout ça, que je ne serai plus comme avant, et donc, que ma vie va changer. Je suis bel et bien en transformation. »
Chapitre 11 — Rencontre fructueuse avec l’équipe de Montréal !
Extraits de mon journal de bord pendant cette période
Esprit d’équipe :
« L’importance de la Réconciliation. Qu’est-ce que cette expérience m’apporte ? Collaborer avec la Vie. La Vie est en moi, avec moi et autour de moi. Elle s’occupe de moi et je collabore avec elle. Collaborer avec les autres, avec ma famille, porteurs de la Vie… »
On a regardé UN film qui n’était pas une comédie !
« Le film le 8e Jour. J’ai trouvé ça très beau et très émouvant. J’ai pleuré presque tout le long et je suis encore tout ému. Comme dit Gandalf, toutes les larmes ne sont pas un mal. Ça m’a fait penser qu’on a tous un rôle à jouer sur terre et que nous sommes tous uniques. Nous avons chacun notre perspective et nos rêves. Comme des enfants, nous avons TOUS, sans exception, une flamme à l’intérieur qui se nourrit d’Amour. »
Esprit d’équipe :
« Au souper, j’ai eu la chance d’expliquer à mes parents que parfois je m’imagine des scénarios “parfaits” de mon comportement et que je me mets la barre trop haute, après quoi je me sens mal… »
Team amitié :
« Mon amie Catherine m’a envoyé un extrait du roman Le troisième mensonge d’Agota Kristof :
– Dès qu’on réfléchit, on ne peut pas aimer la vie.
[…]
– Ne réfléchit pas. Regarde ! As-tu déjà vu un ciel aussi beau ? »
Un malaise physique qui ne part pas :
« Cliquetis dans l’oreille gauche… sensation de douleur… émotions intenses et goûts bizarres »
Esprit recentré sur moi :
« J’ai passé beaucoup de temps à dormir et réfléchir aujourd’hui, c’était difficile. Je pense que j’ai besoin d’aide ! »
Chapitre 12 — Le cancer et les insectes…
Le temps est long parfois même s’il est compté.
Extraits de mon journal de bord pendant cette période :
Le 30 juin
« Je suis présentement (trop ?) fatigué. » « Cliqueti…tik! tik! tik! »
Le 6 juillet, un penseur dans un scanneur :
« J’ai passé beaucoup de temps dans des scanneurs à résonance magnétique, pour me préparer à l’opération. J’ai utilisé ces moments à penser à mille et une choses et à me détendre. Dans les périodes d’attente, où j’avais accès à mes mains, j’ai pu lire. J’ai lu un passage que j’ai interprété comme disant que je ne pourrai pas reprendre ma vie où je l’ai laissée. Que ma santé est désormais ma priorité no 1. J’avais déjà l’intuition que les choses allaient changer, mais est-ce que je veux qu’elles changent ? Ça fait plusieurs jours que je me pose la question… Qu’en est-il de la vie sociale que j’avais, de mon rapport face à elle ? De mes amis, de mes collègues de travail, de mes connaissances ? Je vais demander conseil à Gaétanne, ma coach de vie. Par exemple, quoi faire avec les trucs qui se passent maintenant comme l’invitation au party des employés du Petit Chicago ? C’est dur pour moi de mettre la vie de côté dans le but depeut-être la ravoir plus tard en version édulcorée. Dans l’entretemps, qu’y a-t-il ? Moi tout nu ? La vie toute nue ? Des insectes ? Des bibittes fascinantes ?
J’ai aussi réfléchi au sens de la vie. Ce n’est pas évident avec mon irritabilité actuelle. Parce que oui, ces temps-ci, je suis un peu chatouilleux, un peu sourcilleux… J’ai tout de même eu une idée et je l’ai réalisée : j’ai fait une liste de tout ce que je veux dans ma vie. Tout ! Je pense qu’avec ces choses, je serai heureux. Je travaillerai pour les avoir et les garder. C’est ma liste de seau — my bucket list — ».
Chapitre 13 — Nouveau diagnostic, est-ce une blague ?
Je ne partage pas l’ouverture de mes parents en ce qui concerne les thérapies alternatives. Voilà pourquoi, finalement, on n’en a suivi aucune dans cette histoire. Moi, c’est la science qui me rassure — chacun trouve son effet placébo où ça marche, où il peut… —. Mais, j’accepte de « jouer le jeu » en prenant l’Immunocal. Cela apaise mes parents — leur effet placébo —. Il s’agit d’un moindre mal…
Extraits de mon journal de bord pendant cette période :
Affronter la réalité :
« J’ai réussi à faire face à une situation sociale sur laquelle j’avais fermé les yeux pendant un temps. J’ai donné des nouvelles à Benjamin du Petit Chicago et je lui ai annoncé que, malheureusement, je ne serai probablement pas prêt à reprendre le DJing en septembre, et que je ne sais pas quand je pourrai le reprendre. Je ne suis pas en position de prendre des engagements. C’est une des conséquences de ma maladie que j’ai le plus de difficulté à accepter… Ça me fait de la peine de ne pas pouvoir aller jouer et partager la musique avec les gens, mais je dois me résigner. »
La vie me fait vivre plein de premières fois ces temps-ci, et en voici une pas piquée des vers, mon premier conflit d’auteur :
« Je suis très en colère ce matin. J’ai décidé d’écrire un texte pour le blogue suite à la nouvelle information. J’ai choisi mes mots et le ton soigneusement pour être NEUTRE, LÉGER et en RIRE un peu. Avant de le publier, papa a COMPLÈTEMENT changé le ton. Il est parti pour une rencontre avant que je puisse le lire.
Finalement, j’ai exprimé à papa que je m’étais senti incompris. Il a tout de suite proposé d’aller changer le texte du blogue. Pendant ma colère, j’étais seul à la maison. Je me suis mis à crier à moment donné, ça m’a vraiment défoulé.
Cet épisode m’a donné l’occasion de réfléchir sur la situation et les attentes que j’avais. J’ai compris que papa et maman sont en mode “aider notre enfant à survivre”. Ça explique leurs réactions et leurs actions. Tant d’Amour. Ça me touche beaucoup. Je n’en suis que plus fort.
Pour ma part, je suis en mode “un jour à la fois”. Par exemple, je me sens beaucoup mieux depuis que j’ai accepté que je ne retournerais pas au Petit Chicago en septembre. J’étais bloqué, je n’étais même pas prêt à retourner les voir. Maintenant, j’ai hâte d’y faire un tour tôt un soir tranquille. »
« Cliquetis dans l’oreille gauche… resserrement du côté gauche à l’intérieur au niveau du sexe accompagné de sensation d’engourdissement dans la main gauche… »
Chapitre 14 — Nouveau Diagnostic revisité… qui croire ?
Extrait de mon journal de bord pendant cette période
« L’attente dans laquelle je patauge est enfin chiffrée : je serai opéré dans 4 à 6 semaines ! »
Je ne sais pas si ce sont mes sautes d’humeur, mais il paraît que mes blagues sont déplacées ces temps-ci :
« Pendant le souper, j’ai fait spontanément une blague morbide. Gab m’a dit froidement que ce n’était pas drôle. Ça m’a rappelé que récemment j’ai fait une autre blague sur le cancer et la série des Martines. Martine à la plage, Martine et la pilule, Martine et sa grossesse, Martine et son divorce, etc. Puis j’ai rajouté : Martine et son cancer ! Et Widgg m’a fait une remarque du genre “ta yeule Dave, ce n’est pas drôle ça !”. Je me suis senti très mal les deux fois. Je me jugeais “pas correct”. Pourtant je n’avais été que spontané. C’était “Moi”, sans filtre. Après, je n’avais plus envie d’être spontané et je me suis renfrogné. Mais, je comprends que, le cancer en général, pas seulement le mien en particulier, est un sujet délicat avec une charge émotive, et ce, pour tout le monde. »
Aussi ?
« Hier, on lisait un passage sur la schizophrénie dans le dictionnaire de la biologie totale. Je me suis vraiment reconnu dans une partie de la description. En fait, c’est plutôt que j’avais le sentiment que j’allais dans cette direction. Dans la mesure où je sais de moins en moins ni quand ni comment être “moi-même”. »
« Cliqueti…tik tik tik »
Une péripétie qui m’enthousiasme : je peux retourner vivre dans mon appart ! Ça me fera du bien d’habiter mon espace.
J’ai une grande liste d’épicerie de bonnes intentions:
« Je vais retourner chez moi d’ici l’opération. Ça va me demander une adaptation… Mais, j’ai un beau programme, je vais m’occuper de mes repas avec un accent “santé”. Je vais faire du ménage. Je vais faire ma vaisselle. J’vais marcher une demi-heure par jour. Je vais prendre mes médicaments. Je vais étudier la musique. Je vais avoir un peu de compagnie de mon coloc, Widgg. Je vais faire de la lecture. Je vais cultiver mon sentiment de zen et de sérénité. Je vais continuer à tenir mon journal. Je vais communiquer régulièrement avec papa et maman. Je vais communiquer régulièrement avec Gabrielle. Je vais prendre mon Immunocal. Je vais aussi continuer la thérapie par le rire. Seul ou avec des ami(e)s :)»
Chapitre 15 — Nouvelle chirurgie au cerveau — David sera éveillé… vous avez bien lu !
Extraits de mon journal de bord pendant cette période
Avant l’opération, j’ai passé environ un mois à l’appart :
« Je fais beaucoup de ménage et de réorganisation. Je me rends compte que je croule sous les objets. J’en ai beaucoup trop ! Toutes les pièces sont encombrées. Aussi, je cuisine. J’essaie des recettes, comme la recette de lasagne de maman. Je suis encore en colère et irritable parfois. J’écoute du métal à fond la caisse et je chante à tue-tête — des trucs comme Nine inch nails —. Ça fait du bien ! Je suis heureux de retrouver mon studio: travailler le son, ça me manquait. Je suis stimulé par mes projets, au point que ça arrive que j’aie de la misère à m’arrêter. Des fois, je ne pense pas que je dorme suffisamment et après je ressens une grande fatigue. La fatigue engendre de la rumination. »
Je note un petit succès de mon entreprise de croissance personnelle en ce qui concerne « la présence », un concept sur lequel je lis depuis le début de cette aventure :
« Je fais encore beaucoup d’introspection. Je remarque que, comparé à avant, je suis très connecté sur mon intérieur, sur ce qui s’y passe. J’arrive à “être branché” en “temps réel”. Chaque marche que je fais, chaque chanson que j’écoute sont autant d’occasions de vivre tellement d’émotions. J’ai l’impression d’avoir appris de nouvelles gammes. Il y a des notes noires, il y a des notes blanches. Les deux font la musique. »
« Cliqueti, tik, tik… »
16 août au 20 août, mes parents, Gab, tous réunis pour ma seconde opération.
Pendant mon opération, j’avais le fou rire, je faisais des blagues. En y repensant, mauvaise idée… Pourquoi distraire un neurochirurgien qui fait un travail si minutieux ? Je pense que je lui ai soutiré un sourire ou deux. J’ai demandé au docteur Petreca s’il pouvait prendre un selfie avec mon cerveau ouvert. Il a refusé… OK ! J’avoue que c’est le comble du concept d’égoportrait !
J’étais éveillé, mais je n’étais pas conscient, sauf au début. Je me souviens du bruit de la scie qui ouvrait les entrailles de mon cerveau… Aucune douleur. J’étais dans les vapes, drogué.
Chapitre 16 — Wow, déjà sur le chemin de retour vers Gatineau
Extraits de mon journal de bord pendant cette période
« Ça a fait du bien d’être passé à l’action et d’avoir enlevé le bobo, le gros morceau malin. Je suis un peu sur un « high » depuis l’opération. C’est une étape importante et concrète vers ma guérison. On se rapproche du but. Aussi, l’expérience a été pour moi l’occasion de dépasser une peur et de faire preuve de courage. En plus, ça m’aide à réfléchir sur le sens de « habiter son corps », le véhicule dans lequel on vit cette aventure sur terre.
Après un intermède musical à l’appart, je suis de retour chez mes parents ou l’ambiance est positive et pleine d’espoir. Je me concentre sur ma job à temps plein : guérir ! On continue de regarder des films drôles ensemble. Sérieux, on est en train de devenir des experts du tragi-comique.
« Tik…tik…tik… »
Chapitre 17 — L’Après-chirurgie
Extraits de mon journal de bord pendant cette période
Depuis ma deuxième chirurgie, je fais des petites crises de plus en plus marquées et rapprochées…
« Crise faible ce midi assis seul dans la cuisine en écoutant de la musique. Crise plus longue que d’habitude (5-10 min) et un peu plus intense à la fin du film avec les parents. Symptômes : Fourmillement au visage, dans la main gauche et au pied gauche. Odeur et goût bizarre. Variation de son dans mon oreille gauche. Serrement dans le muscle gauche de mon bassin »
On est allé voir mon médecin de famille. Je lui ai parlé de ces crises et des cliquetis tik tik tik et autres symptômes que je note dans mon journal depuis le début de l’été. Il m’a dit que c’était des crises d’épilepsie partielle. Ma tumeur était située tout près de la zone cervicale qui déclenche cette maladie. Je ne savais pas que c’était ce qui se passait, je pensais que c’était juste des symptômes de mon cancer, parce que, pour moi, l’épilepsie, c’était comme dans les films, quand une personne perd connaissance, ne maîtrise plus son corps et produit de l’écume blanche… On me dit que j’aurai cette condition pour toujours, mais il paraît que ça se contrôle bien avec des médicaments. Dans un premier temps, on me prescrit du Dilantin, mais ça ne marche pas. Les symptômes continus. « Tik tik tik… » Alors, on me prescrit du Kepra. À ce jour, c’est ma pilule, ma petite granule. Fini les cliquetis ! Ouf !
Chapitre 18 — Préparation du masque
Poème composé à partir de mon journal de bord pendant cette période :
Je ne veux pas me morfondre, m’apitoyer, me complaire
Je veux m’exprimer, vivre
Je ne veux pas la perfection. Je ne veux pas me comparer
Je veux du plaisir, de l’empathie,
je veux vivre « au travers »
Je ne veux pas de scénarios imaginaires
Je ne veux plus de peurs
Je veux me rendre utile
Je veux habiter mes gestes une minute à la fois
Je ne veux pas de faux charme, de manipulation,
je ne veux pas de masque !
Sauf celui, bien réel, dont j’ai besoin pour la radiothérapie
pour GUÉRIR
Chapitre 19 — La Maison Jacques Cantin
Chapitre 20 — La Maison Jacques Cantin, de l’autre côté du miroir
Bon. À quoi ça ressemble un réel épisode « schizophrénique » ? — le seul que j’ai vécu.
Je suis parti à Montréal pour mes traitements à la Maison Jacques Cantin sans livres, sans ordinateur, dans le but de n’avoir rien pour me distraire. Je voulais me concentrer entièrement sur cette expérience. Je souhaitais la transformer en occasion de croissance personnelle.
Mais, ce qui est arrivé, c’est que j’ai atteint le sommet de ma fatigue, de mon épuisement psychologique. Un épuisement qui était déjà là, présent, parce que ça faisait quelques mois déjà que j’accumulais des choses, et que j’étais relativement inactif et introspectif. Mais aussi, cet épisode malheureux a certainement été accentué par le processus très exigeant, autant physiquement que psychologiquement, de la chimio et de la radio. Ou serait-ce une séquelle des deux opérations au cerveau ?
En tous les cas, je me suis retrouvé à m’embarquer, grâce à moi — c’était mes pensées, mes liens: c’est ma faute ! c’est ma faute ! –, mais malgré moi — ma fatigue, une chimie perturbée, les circonstances — voyez la dichotomie ici — dans des schémas de pensées irrationnelles, typiques de la paranoïa. Mon train de pensée est devenu un piège.
La grande question qui me rongeait : pourquoi je vis tout ça ?
La première théorie est interventionniste. Le conspirateur est Dieu (ou une autre entité surnaturelle). Il y avait vraiment un cancer, et celui-ci a été causé par Dieu pour me ramener sur le droit chemin.
C’est une théorie réconfortante, puisqu’elle sous-entend que quelqu’un de bienveillant me surveille. Elle implique aussi qu’une entité puissante a du contrôle. Et que j’aurais pu éviter de me retrouver dans cette situation ou que je le pourrai à l’avenir, si je voyage sur le droit chemin.
Mais, cela requiert une intervention surnaturelle. Je ne suis pas un gars religieux. Mais si… ? — Les points d’interrogation sont des gouffres de folie et d’imagination dans ma fatigue.
La deuxième théorie avec laquelle je jongle est aussi interventionniste. Cette fois, le conspirateur est le « Deep State », c’est-à-dire que toutes les autorités y sont mêlées. Cela ressemble à un scénario de film de science-fiction. Je n’ai jamais eu de cancer, et tout ceci a été orchestré pour me « punir » de mes « crimes allégués ». Tout ce processus est en fait un « plan » pour « corriger mon comportement ». Les médecins sont de connivence, mes parents aussi.
Ce scénario me fait ruminer beaucoup, puisqu’il est terrifiant et correspond au mythe de « Big Brother » qui est partout sur l’Internet. En effet, dans une société de droit, comment punir quelqu’un sans passer par le trouble des procès ? En créant, en appliquant un scénario bien rodé et sans faille qu’il faut garder secret, bien sûr. On pratique une fausse chirurgie du cerveau en disant au patient que sa tumeur était « bien localisée », et on met la personne dans une position passive ou elle fera ce que l’on veut…
Je peux voir que ceci semble très tiré par les cheveux : je n’ai pas complètement basculé dans la folie. Comme Alice aux pays des merveilles, je ne suis pas littéralement passé de l’autre côté du miroir, MAIS, je ne peux m’empêcher d’y penser avec une certaine virulence.
J’ai lu assez sur le déni pour me rendre compte que ça ressemble beaucoup à un fort déni, donc, ce scénario ne me semble ni plausible ni réconfortant, mais ça a du sens si je mets bout à bout plein de détails qui me sont arrivés et que je trouve bizarres. Comme les mots insidieux que j’entends parfois derrière mon dos… Bref, je fais des liens, ça a du sens — je crée du sens ? — Mais pourquoi je me créerais des conneries ? Je suis bien intentionné avec moi-même, je l’ai toujours été, ce sont les autres qui ne sont pas moi qui sont louches…
– Voilà le gouffre dans lequel je m’enfonce —Et ça continue —
La troisième théorie, celle de la prédestinée ou du karma. Il n’y avait pas de cancer qui s’est développé de causes naturelles, tout ceci était écrit avant ma naissance.
Je ne vois aucune façon de valider ou d’invalider cette théorie. Elle n’est ni réconfortante ni signifiante pour moi.
La quatrième théorie. J’ai bien eu une tumeur et l’on ne saura jamais pourquoi. C’était arbitraire. Tout ce que je dois vivre est arbitraire. Ma souffrance n’est ni bien ni mal, elle existe.
C’est la théorie la plus plausible, mais la moins satisfaisante, et la plus frustrante. Elle n’explique RIEN !
Mais, je pourrais la rendre signifiante si je l’utilisais pour aider les autres. Cette expérience n’a aucun sens en soi sauf si j’agis, sauf si j’ai la motivation d’aider les autres.
Toutes ces idées tournent en boucle, avec un accent particulier sur les théories un et deux, parce que, même si elles sont absurdes — ce qui est clair pour un esprit chimiquement équilibré — elles contiennent des « raisons », des « causes », elles créent du sens dans l’arbitraire et je n’en ai jamais eu autant besoin que pendant cette douleur.
Je souffrais. J’étais comme brisé. Je ne savais plus comment recoller les morceaux.
Maintenant que je suis guéri, à la paranoïa, je préfère le concept de pronoïa. Savez- vous ce que c’est ?
C’est que les gens complotent, oui, dans votre dos, — les gens sont et seront toujours: des commères, de grosses pies bavasseuses—mais ils sont bienveillants. Ils s’affairent plutôt à organiser, à créer votre bonheur… Ils vous aident.
Chapitre 21 — Des nouvelles en direct de David — Studio de musique et zoothérapie au menu.
6 décembre 2010 17 h 10
Message de David sur le bloc, écrit par R.L.
Voici des nouvelles de David par David :
« Salut !
J’écris ce petit mot pour donner des nouvelles.
Je suis encore chez mes parents. J’ai souvent envie de dormir. Les médecins me disent que c’est probablement un effet secondaire des traitements et du stress des derniers mois. Je ne sais pas encore quand je déciderai de rentrer à mon appartement.
J’ai des rendez-vous cette semaine (le premier était ce matin) pour une évaluation neuropsychologique. On y teste mes fonctions cognitives, c’est-à-dire ma mémoire, ma concentration, etc. Ça a duré une heure et j’étais épuisé après.
Pour la suite des choses, mon dossier est transféré ici à Gatineau. J’ai rendez-vous ce mercredi avec l’oncologue (Dr Martens). Ça veut dire que ma prochaine phase de chimio aura lieu ici.
Le moral fait encore les montagnes russes. J’ai beaucoup de temps pour des débats et réflexions philosophiques avec moi-même et la vie. Encore souvent, je l’avoue, ça tourne au mélodrame personnel. C’est dans ces moments que je me confie à mon journal. 🙂 À l’hôpital, je vois une psychologue qui aide les gens qui vivent avec un cancer. Je continue à prendre le tout un jour à la fois.
Dans un monde où les textos, les courriels, Skype, Facebook, gTalk, iPhone/Android et compagnie sont omniprésents, est-ce que la Poste a d’autres fonctions que recevoir des factures et du “spam” ? Il y a toujours les abonnements, les colis, Bell (qui s’ennuie tellement de moi qu’il en a perdu toute sa dignité, ça, c’est un bon exemple de désespoir)…
Récemment, j’ai reçu une lettre (oui oui, manuscrite, sur du papier lettre, par la poste !) de mon amie Catherine qui étudie présentement à Québec. J’avais oublié la simple joie de recevoir une lettre personnelle, par la poste. Ce n’est sans doute pas pour tout le monde, mais pour ceux qui aiment encore lire et écrire… En tout cas, moi, j’ai hâte de lui répondre !
À bientôt,
Dave »
La pensée positive du jour : Tout homme qui sait lire a le pouvoir de se dépasser, de multiplier les moyens par lesquels il existe, de faire en sorte que sa vie soit pleine de signification et d’intérêt.
Bonne semaine tout le monde !
31 décembre 2010 19 h 45
2010, Toute une année pour David
Voici encore des nouvelles de David par David :
« Salut !
J’écris pour partager les dernières nouvelles. J’écris aussi dans l’espoir de vous aider à mieux comprendre ce que je vis.
Il y a des symptômes dans ce que je vis qui, je pense, sont difficiles à envisager quand on ne les a pas connus. Je pense ici à la fatigue. Je vais tenter de l’expliquer.
Imaginez ceci :
– La maladie, la peur de l’inconnu. Elles occasionnent un stress constant ;
– L’agressivité des chirurgies et des traitements qui “maganent” le corps. Se faire bombarder quotidiennement le cerveau par des rayons qui brûlent la peau et la racine des cheveux tout en faisant une chimiothérapie quotidienne par exemple ;
– Manquer de sommeil à cause du stress, de la fatigue, de l’anxiété et de l’accumulation de manque de sommeil, c’est un cercle vicieux ;
– Le temps d’arrêt requis (1 an et plus) pour récupérer nous ramène face à nous-mêmes, ce qui entraîne un bouleversement et une profonde remise en question.
La fatigue n’est pas… “constante”, mais plutôt “très fréquente”. Je m’épuise beaucoup plus rapidement qu’à la normale. Par exemple, on sort au centre d’achat, je reviens et je suis épuisé. Ou encore, on passe chez moi chercher des trucs. Je dois me concentrer pour ne rien oublier. De retour à la maison, je suis épuisé. Un autre exemple, je passe une heure à jaser avec ma psychologue, après je suis épuisé.
Pour toutes ces raisons, j’ai besoin de beaucoup de silence et de temps seul.
Les nouvelles:
J’ai maintenant une partie de mon studio installé chez mes parents. Il s’agit en fait d’outils et d’instruments pour faire de la musique “de façon électronique”. (Voir la photo).
Au quotidien, je passe beaucoup de temps à m’occuper de ma collection/base de données de musique. Je l’organise, j’y fais du ménage, du classement, j’y entre des données, j’achète des CDs… J’aime dire que je m’en occupe comme un jardinier s’occupe de son jardin. Il y a toujours quelque chose à faire.
On m’a officiellement diagnostiqué “en dépression”. On dit que quatre personnes sur cinq qui vivent un cancer font aussi une dépression.
J’ai six outils à ma disposition pour m’aider à m’en sortir.
1— Un livre qui me parle beaucoup, qui s’intitule “Être bien dans sa peau” (“Feeling good” en anglais) par David Burns. (Voir la photo) ;
2— De la médication : Des antidépresseurs et des antipsychotiques pour m’aider à gérer l’anxiété ;
3— Un journal dans lequel je peux m’exprimer librement et complètement sans retenue ;
4— Un livre sur la spiritualité qui s’intitule “Le chemin le moins fréquenté” (“The road less traveled” en anglais) par Scott Peck. (Voir la photo) ;
5— L’exercice. Quand le corps bouge, il libère des antidépresseurs naturels…
6— La thérapie par le rire. Nous écoutons encore régulièrement des films comiques.
Tous des outils qui m’ont été chaudement recommandés par des gens en qui j’ai une grande confiance.
David »
En mon nom et au nom de toute la famille, nous vous souhaitons pour l’année 2011 une bonne santé physique et morale et beaucoup d’amour et d’énergie positive comme nous en avons reçu de vous tous. Encore mille fois merci !
18 janvier 2011 19 h
La maladie et le temps
Voici encore des nouvelles de David par David :
« Salut !
Guérir d’un cancer requiert énormément de temps et d’énergie.
Dès le début, il y a l’incertitude par rapport au temps. Combien de temps ça va durer tout ça ? 3 mois ? 6 mois ? 1 an ? Quand serais-je prêt à reprendre telle ou telle activité ? Ça fait maintenant 8 mois que je suis arrêté en guérison. Je viens de commencer une chimio thérapie qui durera 6 mois (jusqu’à juin) et je ne sais pas combien de temps de convalescence j’aurai besoin par la suite. Guérir d’un cancer, c’est long.
La plupart du temps, je dois le passer « au neutre » à la maison. Tout le monde autour de moi court. C’est comme ça la vie, nous courons tous. Je recommencerai à courir aussi. C’est difficile d’être « bien » au neutre. Ça requiert une adaptation. Au début, ça a l’air très ennuyant.
Quand je passe du temps avec des amis, je me rends compte à quel point tout va vite. On saute d’un sujet à l’autre, on lance plein de blagues, on se dépêche de remplir les silences, en même temps on parle au cellulaire, on lit nos textos et nos courriels, on mange… Je suis persuadé que notre cerveau aime ça ; c’est très stimulant. Présentement, j’ai de la difficulté à être bien à ce rythme « normal » ; j’ai peine à suivre et je n’ai pas le temps de placer un mot. Quand je rentre à la maison, je me retrouve au neutre. À chaque fois, ça me demande une certaine adaptation dans un sens comme dans l’autre : c’est ennuyant (retomber au neutre) ou c’est épuisant (suivre la vitesse de course). C’est la principale raison pour laquelle je ne sors pas beaucoup et j’évite les activités de groupe présentement.
J’ai eu très peur que les gens ne comprennent pas. Je ne savais pas comment l’expliquer. J’avais peur d’être la cible de jugements faciles comme « on le sait bien, les fonctionnaires ne sont pas pressés de retourner “travailler” ; s’il était obligé, il se forcerait un peu… ou encore “Dave n’accepte plus jamais nos invitations, peut-être qu’il ne nous aime plus…”
Finalement, j’ai constaté qu’en m’expliquant, les gens sont très compréhensifs et j’ai compris que je n’ai pas à m’en faire avec ça. 🙂
Je me repose énormément. Je prends aussi tout ce temps au neutre comme une occasion pour faire du ménage dans ma tête et rêver. Quand j’ai envie d’avancer un peu, j’ai des projets comme ma collection de musique et mon studio. J’essaie aussi de socialiser dans des contextes plus tranquilles : autour d’un café, devant un film…
À bientôt !
David »
P.S. Nous revenons Maude et moi de deux semaines de vacances au Panama. Je vous en reparle dans un prochain blogue.
La pensée positive du jour : L’apprentissage n’est pas une question d’intelligence, mais de motivation à apprendre.
Bonne semaine tout le monde !
16 février 2011 16 h
La chimiothérapie
Voici encore des nouvelles de David par David :
« Salut !
Aujourd’hui, je vous parle de la chimiothérapie en espérant que cela va démystifier un peu ce que c’est et comment ça se passe dans la réalité.
Quand j’ai appris que j’allais faire de la chimiothérapie, plusieurs images me sont venues en tête. Une chambre d’hôpital, des vomissements, la perte des cheveux, de la souffrance… J’en étais même anxieux.
C’est donc une partie de mes traitements que j’appréhendais beaucoup. Depuis, j’ai appris qu’il y a différentes sortes de chimiothérapies. Certaines sont administrées par intraveineuse et d’autres en comprimés. Il en existe aussi des plus “dévastatrices” qui s’attaquent à tout le système et d’autres plus “douces”, qui s’attaquent plus spécifiquement au cancer. Enfin, les effets secondaires varient beaucoup d’un cas à l’autre.
Je me trouve chanceux parce que dans mon cas, il existe une chimiothérapie en comprimés (le Temodal) qui s’attaque plus spécifiquement aux cellules cancéreuses. Je prends aussi un anti-nauséeux. Je ne perds pas mes cheveux. (Ils sont en train de repousser !) Je n’ai pas de vomissements non plus. Les effets secondaires les plus marqués sont la constipation, des variations de l’humeur, des variations intenses de l’appétit ainsi que des changements temporaires dans ma perception des goûts et des odeurs. Il y a des “bonnes” et des “mauvaises” journées.
Des fois, je me prépare un café et quand il est prêt je n’ai plus du tout envie de le boire. L’autre soir, j’ai mangé un morceau de lasagne qui était ridiculement énorme parce que j’avais faim. Finalement, sa digestion m’a tenu éveillé une bonne partie de la nuit… Plus tôt cette semaine, j’ai voulu manger des framboises congelées avec du yogourt glacé et je trouvais ça mauvais. D’habitude, j’adore les framboises. Quelques jours plus tard (aujourd’hui), je me suis réessayé, et miam ! Ça s’est replacé. Ouf ! 🙂 À la Saint-Valentin ma maman d’amour a préparé un gâteau au chocolat. Le soir même, je l’ai trouvé particulièrement ordinaire. Et le lendemain, mmmmmmmmmm, je l’adore. J’ai parfois des sensations confuses de soif et de faim. S’il y avait un mot, je dirais que c’est comme avoir saimoufoif. Les variations d’appétit sont parfois confuses aussi. Parfois, j’ai l’impression d’avoir l’estomac vide et je n’ai pas du tout envie de manger. Quand j’ai foifet que je n’ai pas envie de mangeoire, je boiangedes carottes crues et ça fait du bien. ;o)
Ma chimiothérapie se déroule par cycles de 28 jours. Ça veut dire que je prends les comprimés pendant 5 jours consécutifs puis j’ai 3 semaines pour récupérer et ça recommence. On vient de terminer le cycle #2 de 6 !
Dans le prochain blogue, je vais vous parler de la zoothérapie.
À bientôt !
David »
Bonne semaine tout le monde !
15 mars 2011 20 h 17
La colère
Voici encore des nouvelles de David par David :
« Salut !
Bien camouflée dans mon subconscient, il y a un gigantesque iceberg. C’est ma colère. Il y a des pointes qui font surface de temps à autre. Dès que quelque chose m’irrite, je partirais en croisade contre cette chose. Il n’y a rien pour me calmer, aucune demi-mesure. Je deviens “fru au max”. Quand je m’aperçois que ça devient démesuré par rapport à la cause apparente, je prends un peu de recul et j’aperçois la silhouette de cet iceberg, cette immense colère qui m’habite depuis que j’ai appris que j’ai un cancer.
C’est un peu comme ça pour toutes mes émotions présentement. Je n’ai plus de demi-mesure. Quand je suis triste, je suis vraiment triste et je pleure. Quand je suis de bonne humeur, je suis vraiment très joyeux. Quand je suis irrité, je deviens très irrité. Si je me sens coupable, je me sens très mal. Quand je ris, j’ai l’air diabolique tellement c’est démesuré. Tout “feel” très intense. Comme une hypersensibilité. La médication m’aide un peu à gérer ça.
Par exemple, cet été je devais aller rejoindre des amis pour une épluchette de blé d’Inde. À cause de ma maladie, je n’ai pas le droit de conduire. J’étais tellement irrité de devoir prendre l’autobus alors que j’ai une voiture dans la cour exprès pour ne plus avoir à prendre l’autobus parce que j’en avais assez des inconvénients de prendre l’autobus (ça été mon moyen de transport principal jusqu’à environ janvier 2010) que j’ai écrit à mes amis que je n’irais pas. Ça me rappelait les limites de ma situation et je ne supportais pas de me retrouver face à ma colère. (Finalement, ils sont passés me chercher. Merci MJ). 🙂
Une des raisons pour lesquelles je ne sors pas beaucoup est que j’ai peur de péter ma coche pour des choses insignifiantes et ensuite me retrouver dans l’embarras. Ou encore de me sentir mal pour des niaiseries. Voici un exemple pour illustrer cette hypersensibilité : un mariage cet automne avec des amis, après le souper, avant d’aller danser, je gardais mon vers d’eau jalousement parce que j’avais besoin de m’hydrater. Mon coloc me demande un peu d’eau et je dis “non ! C’est *mon* verre d’eau.” Pas si grave comme réaction, mais j’ai failli me gâcher la soirée tellement je me suis senti coupable. Je n’arrivais plus à le regarder dans les yeux et je n’avais plus envie de danser. Ça l’air d’un mini drame raconté comme ça, mais c’est pour illustrer mon hypersensibilité et la démesure que ça cause dans mes émotions par rapport à des situations réelles qui sont banales. Finalement, ça a passé et j’ai dansé tout plein. Rions-en maintenant : Je m’excuse Widgg de t’avoir refusé mon eau ! Je me suis trouvé extrêmement cheap ! 😉
La vraie source de la colère c’est que je n’ai pas choisi de vivre cette expérience. J’aurai bientôt 29 ans. Mes amis bâtissent leurs couples, leurs familles, leurs carrières, leurs réseaux sociaux et moi, je dois m’arrêter pour subir des traitements et me reposer chez mes parents pendant un an et demi pour rebâtir ma santé. C’est colossalement frustrant. Je me sens comme pogné sur le banc des punitions. Il n’y a rien ni personne à blâmer (j’ai cherché de façon obsessive une explication rationnelle à tout ça, “pourquoi moi ?”, qu’ai-je fait de mal ? Me suis-je trompé quelque part ?). J’en suis venu à croire que la réalité est qu’il n’y a pas d’explications. C’est la vie. C’est comme ça. Je ne suis pas tellement unique que j’ai fait quelque chose qui m’a donné un cancer et que ça n’en donne pas aux autres… Je répète, il n’y a pas d’explications rationnelles, psychologiques ou métaphysiques que la connaissance d’aujourd’hui puisse expliquer.
On me dit de laisser de la place à cette colère. D’écrire. De la vivre. Qu’avec le temps, ça va s’estomper ! Je ne suis pas fâché contre les autres, c’est avec la vie mon conflit.
La souffrance, ça fait partie de la vie. Quand on naît, notre mère souffre et nous sommes certains de mourir un jour. C’est comme ça. Ce n’est pas un drame. Ce n’est pas pessimiste. C’est la réalité. C’est la vie. Je me sens plus en paix depuis que j’ai compris ça. Je ne sais pas quand je vais mourir, mais je peux vous garantir que mon heure n’est pas venue. Je sortirai grandi et plus fort de cette épreuve.
Tout cela dit, je ne suis pas tout le temps choqué. J’ai aussi une philosophie très positive par rapport à tout ça. Je le prends comme une opportunité. Une occasion de faire le point par rapport à mes choix de vie. Une chance de redécouvrir mon intérieur, de me retrouver et refaire connaissance avec moi-même. Ma passion pour la musique s’est trouvée redoublée. J’en profite pour investir temps et argent dans mon studio et ma collection de musique. J’ai adopté deux chatons adorables et affectueux. Il n’y a que la chimio qui soit désagréable. Au bout du compte, ça passe très vite.
De plus, je suis toujours content pour mes amis qui m’annoncent de vraies bonnes nouvelles comme “je suis encore enceinte !” et “on va se marier” :o) De quoi se réjouir pour vrai. Des cadeaux de la vie. 🙂 Profitons-en ! 🙂 Je les savoure même si je ne suis pas là pour les célébrer avec vous.
À bientôt !
David »
Bonne semaine tout le monde !
Retour de David sur événements
Le 15 mars 2011, presque un an après la crise d’épilepsie qui nous a permis de découvrir ma tumeur, c’est la fin du blogue, mais ce n’est pas la fin de mon quotidien à la maison, de ma vie occupée à guérir… J’en ai encore pour plusieurs mois, jusqu’en septembre 2012 ! On mange une baleine un morceau à la fois. God knows comment on la digère !
En relisant tout ceci, je me rends compte à quel point ce blogue des premiers mois est un cadeau de la vie.
Il me permet de comprendre exactement comment j’ai pu m’en sortir. Je peux mettre des mots sur ma chance. Je peux saisir l’ampleur de l’activité qui s’est passée autour de moi.
Mes parents ont été extrêmement proactifs, généreux et ouverts. Ils ont parfois dû mettre leurs projets de côté pour m’aider. J’ai pris beaucoup de place dans leur vie, mentalement et physiquement. Au début, il n’y avait que moi à la maison. Ensuite, mes paquets sont arrivés et se sont empilés. Puis mon studio et une énorme machine d’exercice : un elliptique. Pour couronner le tout, deux chats, des mâles ! Comme une tumeur qui s’installe insidieusement et qui grossit, j’étais en train de m’incruster et d’accaparer tout l’organisme, l’écosystème de leur salon! — Je vous ai dit que je faisais des blagues plates de cancer… haha—. Sans farce, il n’y a pas de merci assez grand, il n’y a pas de mots assez puissants, pour traduire la reconnaissance de mon cœur.
Que dire aussi de la présence de ma sœur, l’Ange Gabrielle, et de mes amis ? Je suis abasourdi ! Merci aussi à la horde de spécialistes géniaux et au dévouement professionnel des gens du milieu hospitalier. Vous m’avez littéralement sauvé la
vie. Finalement, je voudrais rendre hommage à toute la famille qui s’est mobilisée pour nous aider et envoyer des pensées positives… Tout ce beau monde a été respectueux de mon cheminement.
C’est de plus grâce au blogue que je peux me remémorer les anecdotes succulentes qui sont les petits bijoux de cette période périlleuse de ma vie. Je ne souffre pas de troubles de mémoires majeurs suite au trou que j’ai dans le crâne, mais, sans cet outil, de longs bouts auraient certainement été perdus, effacés, ce qui est souvent le destin du quotidien, pourtant, une richesse !
C’était une belle aventure, non, qu’on a vécue ensemble ?
P.S. On souhaite que Rémi Laprise et Maude Lavoie continuent de bloguer ! Je serai leur premier fan.
Chapitre 23 — Le bilan (de santé !) de David
Quand j’ai eu fini de me battre contre le cancer du cerveau, j’ai rebâti ma santé, mentale et physique, pendant une longue convalescence.
Après avoir arpenté tous ces chemins de croissance personnelle qui étaient parfois semés d’embûches, et bien, mon destin, ça a été de retourner au boulot ! Je suis revenu à ma vie normale de fonctionnaire, avec sa part de routine et de monotonie. J’ai renoué avec les responsabilités d’un adulte, qui m’ont vite rattrapé : les factures, les assurances, etc. Je suis redevenu fonctionnel.
Je n’ai pas grimpé le Kilimandjaro, je n’ai pas entrepris de folles aventures. La vie non plus ne m’a pas envoyé de cadeau en guise de compensation pour ce qu’elle m’avait fait subir, comme un billet de loto gagnant… Non, David Laprise a juste sauté dans l’autobus et s’affaire toujours à remplir sa description de tâche !
– Chanceux ou malchanceux ? –, comme dirait mon père…
La vie quotidienne, qui ne lâche jamais, peut en rendre fou et en aliéner plus d’un. Il y en a des gens qui ne trouvent aucun sens là-dedans. Je ne suis pas au-dessus de ça ! Mais, quand même, pour moi, revenir à un rythme ordinaire et observer comment, malgré toute cette histoire, j’ai réussi à conserver mes capacités physiques et mentales, et remarquer que je peux faire le travail intellectuel nécessaire — avec éloges ! — Je trouve que c’est comme un privilège et ça m’émerveille !
Physiquement, tout ce qui me reste de mon cancer, c’est un trou dans mon crâne camouflé sous une épaisse couette de cheveux. Aussi, je prends deux médicaments quotidiennement : un contre les crises d’épilepsie, l’autre est un antipsychotique dont la dose est très faible. J’ai mes alertes sur mon iPhone pour ne pas les louper… OK ! Ça se gère.
Avant mon cancer, je n’avais jamais eu de pensées paranoïaques. Je n’ai heureusement pas refait de crise sévère comme celle de la Maison Jacques Cantin, mais parfois, quand j’étais fatigué, surtout en plein milieu de l’hiver — la dure saison — j’ai continué à « faire des liens ». Il s’agit de mon propre diagnostic, mais je trouve que ce que je vis dans ces moments ressemble à la description de l’apophonie. Googliserdonc ça !
C’est difficile de bien expliquer la culpabilité sourde qui nous assaille lors du diagnostic de cancer, une culpabilité qui ne part jamais vraiment… Si j’ai « attrapé », « cultivé » une tumeur, c’est peut-être parce que j’ai fait quelque chose de mal ? L’esprit cherche à trouver le bobo, le péché, dans tout plein de petites choses. Il paraît que c’est une stratégie de survie pour adapter son comportement, mais ouf ! Porter le poids du monde sur ses épaules : maintenant, je sais que ça veut juste dire vivre avec un cerveau et que tout le monde doit porter ce poids-là. Mon trou ne me rend pas la tâche moins lourde — maudit cerveau, je t’aime, reste en santé s.t.p., mais des fois on peut-tu te mettre à off ? —
Aussi, c’est suite à mon apnée dans une mer de pensées irrationnelles que je me suis intéressé au mouvement des Sceptiques. N’ayez pas peur du mot ! Ça veut dire que j’aime l’esprit scientifique, les Lumières, et que je me fais un point d’honneur à cultiver mon esprit critique. Pas « critique » dans le sens de « critiquer ». C’est qu’il faut faire attention aux sources, et s’intéresser aux démarches des auteurs — comment travaillent-ils ? — ainsi qu’à leurs motivations — qui les paient ? — . Tout le processus de la pensée critique me ground énormément quand mes pensées s’emballent.
Les Sceptiques du Québec, une association à but non lucratif, seraient « un caillou dans la chaussure de l’humanité en marche vers la crédulité, selon Jean Dion (Le Devoir). J’aime bien cette description !
Voilà pourquoi, en ce qui concerne le cancer, je rejette la pensée magique. Je ne crois pas que l’univers envoie des signes, bons — cadeau de la vie — ou mauvais — conspiration —. Même que ça me fait franchement peur, vu mes expériences ! Mais, je crois très fort dans les cercles vertueux que nous pouvons tous travailler à créer: amitié, entraide familiale, alimentation santé, exercice, se consacrer à ses passions, vivre selon nos finances, travailler en collaboration avec les spécialistes, et surtout, être un bon patient patient. Je pense que mon expérience est une démonstration de
ça. Peut-être pas une recette pour survivre absolument, mais du moins, pour bien vivre pendant qu’on est là.
J’espère que ça ne reviendra jamais, mais encore — pas de pensée magique —. C’est la vie qui décide. Avant mon cancer, je n’avais jamais songé à ma propre mort. Aujourd’hui, j’ai recommencé à croire que je peux vivre vieux, seulement, maintenant, je sais que, comme tout le monde, ça peut nous prendre par surprise.
Après un bref retour pendant ma convalescence au Petit Chic., je ne suis plus DJ. Bien que j’aimerais revivre l’expérience de façon ponctuelle dans le futur, lors d’événements heureux, comme les mariages… Avec ma blonde DJ Sira.
Maintenant, je me concentre à composer mes propres chansons et j’ai sorti mon premier album de musique électronique en 2016, autoédité. Sur mon soundcloud, vous pourrez en écouter plusieurs comme le blues du célibat (the Singlehood Blues), rêve troublant (Troubling Dream), le funk de la vulnérabilité (the Vulnerability Funk), la joie des câlins (the Joy of Hugs) et plusieurs autres ! Il est aussi en vente sur iTunes.
Bonne vie à vous, chers lecteurs curieux ou en lutte ! On vous remercie pour votre temps passé avec la famille Laprise —ça vaut tout l’or du monde!
LSB et David Laprise, Gatineau juin-octobre 2017Les chapitres 19 et 21 ont été écrits par Rémi Laprise, Gatineau, 2010-2011