envoler les autres
à twoiseau
voie-moi
ciel que je suis
le rafiot qui lofe
le nez dans le lit du vent
sur la peau de l’aube
renouvelée
je suis le moment rose
trop anisé
imaginé par le ventre
invaginé par l’absinthe
le moment à bras-le-corps
le drap solaire
les diaprures dorées
la théière éclatée au feu
rafistolée
pour la suite du monde
je suis le Chant après la lutte
je suis tout ce qui décoiffe
celle dont l’haleine
fait frissonner
tes plumes naissantes
je suis le plus gentil des coups de pied au cul
puisque je t’agite par le souffle
et quand il fait soleil de chien
je t’aurore
je t’offre
le vent d’Oreste
le vent d’Ulsud
celui d’Éléanord
et de May West
je t’envoie par tous les vents
le foc, le jusant, l’espar, la drisse
les pièces d’une caravelle
pour que tu puisses te rabouter
du cran
le cran qu’il faut pour traverser
je ne suis pas l’attrapeuse
dans le champ de seigle
je suis à la fois la poussée
et l’élan
celui qui te prend
au bord de la falaise
la promesse d’une bise légère
une force pas dicible
la prière qui brûle
à la fraîche
je suis le bateau d’eau qui torrente
les effluves de la tour d’air abasourdissante
la pierre angulaire du tison
le halo du météore stratosphérique
qui love la terre
et quand tu doutes
quand tu es par terre
je suce tous tes clous
j’enlève toutes tes pierres
surtout les dures
comme les menhirs, les cromlechs
jusqu’à ce petit caillou
qui mousse
au bas de la rivière
celui-là grazévisqueux
vert
malade
des tournis de la Terre
tu vois
partout je t’envoie en l’air
je t’envoie voilier vers la mer
pollen de potentille
nerf de héron
air de navette
bisque de mélilot
simoun
plume marinière lactée
comme c’est indécrottable
la légèreté de l’être !
et puis c’est ton gentil droit
ton pois de senteur à toi
oui oui
je suis là pour toi
oui oui
toujours
tout le temps
tu sais ça
tu as la main froide, j’ai la main chaude
tu trembles, je suis solide
tu râles, je prends de grands respirs
tu as peur, l’espoir me sort des yeux
mais c’est toi qui doit sauter dans la paix
tu vois ça?
traverser l’épaisse brume
soulever le pan du rideau
c’est à toi d’y aller
twoiseau
ma belle maman grand héron bleu
qui m’a nourrie aux lacs, aux vents nords, aux pointe-à-rossi
ma belle maman canard
que la maladie a tout déplumé
laisse ta bécassine
déposer ton corps dans le canot
maman
je te borderai dans le vent
je te borderai dans l’eau
je te borderai dans la douceur du saut
avec autant d’amour
et de sécurité
que tu as su prodiguer
oui
c’est ça c’est ça
promesse de moi
tu y vas?
twoiseau, écoute!
écoute coûte que coûte
comme on entend rien
rien que tes ailes
qui bourrasque
*
maman
puisque tu m’as si bien élevée
je voulais t’élever moi aussi
allez, va
vois-moi bien, là
je pousse le canot
LSB, Gatineau, février-mars 2024